Les anatifes : qui sont-ils ?

Laurence Miossec
IFREMER
Laboratoire Génétique et Pathologie
La Tremblade
http://www.ifremer.fr

IRD

Classification
Classe : Crustacés
sous-classe : Cirripèdes
ordre : thoraciques
sous-ordre : Lépadomorphes
Famille : Scalpellidés

Comme ces éléments de classification le précisent, les anatifes sont des crustacés, appartenant à la sous-classe des cirripèdes. Parmi ceux-ci, on trouve sur nos côtes les balanes dont l’aspect rappelle de petites patelles, et qui vivent attachées au rocher dans la zone de balancement des marées, ou encore sur des coquillages comme les moules. Le pouce-pied, dont la consommation est très appréciée et que l’on pêche au bas des falaises de Belle-Ile (Morbihan), appartient également à la famille des Scalpellidés.

Les anatifes sont présents dans toutes les mers du globe, principalement dans les mers chaudes. Ce sont des organismes pélagiques, vivant en haute mer, fixés sur des objets flottants et même sur certains animaux marins comme les tortues. Ils se maintiennent, ainsi, proches de la surface, dans la couche trophique la plus riche.

L’anatife a un pédoncule lisse ou ridé surmonté d’un structure constituée de 5 plaques blanches simulant une coquille, le capitulum. Les cirres, structures en forme d’éventail s’échappant des plaques, favorisent, par leurs mouvements continus, les échanges respiratoires et les apports de particules alimentaires nécessaires à la vie de l’animal.

Les anatifes sont hermaphrodites (chaque individu possède les 2 sexes), mais il n’y a pas d’auto-fécondation. En haute mer, les substrats dérivant, permettant la fixation des larves, sont rares. Afin de pallier cette difficulté, les anatifes présentent une forte fécondité (de 7 000 à plus de 300 000 œufs suivant les espèces). Les œufs sont de petite taille. A l’éclosion, les larves, nombreuses, sont libérées dans la masse d’eau ; il existe 6 stades successifs de nauplii. Elles mènent une vie pélagique avant de se métamorphoser en cypris, stade larvaire précédant la fixation (c’est l’étude du stade larvaire des cirripèdes qui a permis de les rattacher à la classe des crustacés). La durée de ce dernier stade peut être prolongée de plusieurs semaines pour permettre aux individus de trouver un support de fixation adapté. Fréquemment, les larves se fixent sur les adultes de la même espèce, formant ainsi de larges colonies en grappe. Ce comportement favorise la variabilité génétique de la population ; de plus, la grappe formée constitue une cible privilégiée pour les colonisations futures.

Lors de leur fixation, les larves d’anatifes ont une taille de 1 à 1,5 mm. Les vitesses de croissance peuvent être rapides suivant les espèces, de 4 à 5 mm pendant les 5 premiers mois suivant la fixation. De même, certaines d’entre elles sont sexuellement matures 4 à 5 semaines après leur installation.

Anatifes accrochés sous la planche

Guy Saillard constatant la présence des parasites frainant l'avancée de la planche.
Photo Odyssée du Vent (avril 2000).

Parmi les prédateurs des anatifes, on rencontre certaines espèces d’oiseaux océaniques comme les puffins et les pétrels.

Les anatifes sont consommables comme les pouces-pieds mais sont réputés avoir peu de goût.

Cynthia Venn, de l’Université de Bloomsburg en Pennsylvanie (USA), a étudié pendant plus de 10 ans la fixation d’organismes sur des bouées placées dans l’océan Pacifique entre les latitudes 8N et 8S et les longitudes 95 W et 180. Elle a déterminé 5 espèces différentes d’anatifes, dont Lepas hilii, également présente au large du Pérou. Les populations les plus denses ont été observées dans la zone équatoriale et dans les secteurs sud-est du Pacifique. Ni la reproduction, ni la période de fixation ne semblent avoir de saisonnalité marquée. Elles sont constantes sur l’année. Par contre, les phénomènes El Nino/El Nina interfèrent profondément sur ces mécanismes. Les années de El Nino sont caractérisées par de faibles fixations d’anatifes. Par contre, on enregistre des recrutements importants et des croissances rapides pendant les années de El Nina.

La croissance de L. hilii est mal connue. Le plus grand individu observé par C. Venn (communication personnelle) avait un capitulum de 60 mm. Son âge n’excédait pas un an puisque la fréquence d’échantillonnage était annuelle au cours de ce suivi. D’une façon générale, la taille de cette structure anatomique variait entre 35 et 55 mm dans les échantillons récoltés. Par ailleurs, le pédoncule pouvait atteindre une taille de plus de 200 mm.

D’après la littérature, ces anatifes sont matures pour une taille du capitulum d’environ 25 mm.

Précisons pour finir que nous ne sommes pas dans une année d’El Nino et qu’il est à craindre que les anatifes ne sévissent tout au long du périple de Raphaela en se fixant sur sa planche.

Principales références bibliographiques :
Quéro J-C et J-J Vayne (1998). Les fruits de la mer et plantes marines des pêches françaises. Edition Delachaux et Niestlé – Ifremer, 256 pages.
Southward A.J. ed. (1987). Crustaceans issues 5 - Barnacle biology. General ed. F.R. Schram, A.A. Balkema/Rotterdam, 443 pages.
Venn C. (2001). Hydrographic conditions and pelagic barnacle species distribution in the equatorial pacific : a five year time series (abstract). Aquatic Sciences Meeting, Albuquerque 2001.

Pour plus d’informations sur le El Nino/ElNina :
http://www.ifremer.fr/lpo/cours/elnino/index.html
http://www.pmel.noaa.gov/tao/elnino/la-nina-story.html