POINT DU JOUR n°41
Samedi 29 avril 2006 (Pénestin 18H00)
La pompe à évier et les craquements sinistres
Vendredi fut une journée un peu sous tension. Le routeur de Raphaëla a repéré une tempête tropicale 500 milles au nord de la planche et il l’a mise (la dépression) sous surveillance étroite. « C’est vrai que je suis préoccupée par ce que m’a dit Jean-François (son routeur). Et puis je sais bien que ce deuxième tiers de traversée va être le plus dur ».
A la vacation vendredi après–midi, nous avons l’honneur
d’accueillir Marie-Claire (conseillère Sport auprès la
Présidence de la République). « Tu
sais, Raphaëla, avec les nouvelles technologies et les nouvelles régulières
que nous donne Anne Combier on est bien au courant de tout ce qui se passe
sur ton périple ». Et puis, en tant qu’ancienne
sportive de haut niveau, elle sait ce que signifie le fait de garder le cap
sur un objectif précis, en l’occurrence l’ouest pour Raphaëla.
- « Est-ce que tu prends le temps de te reposer
un peu ? »
- « Ecoute, je me repose quand je n’ai pas le choix (c’est-à-dire
quand le vent est trop fort). Sinon c’est vigilance absolue quand je
navigue. Aujourd’hui par exemple, j’ai évité pas
mal de chutes ».
Sa méthode, pour ça, est le cri, celui qui vient du tréfonds et qui donne l’énergie de ne pas passer à l’eau. Vous savez : le cri des adeptes des arts martiaux (rappelez-vous Dr Justice dans les Pif Gadget des années 70).
Son frère, Pierre, veut en savoir plus sur les sensations en navigation. « Ecoute, hier matin par exemple, il y avait force 6, du soleil, 3 m de creux, j’avais ma voile de 5,2 m2 et en avant. Je me sentais bien. J’ai fait 3 heures de navigation sans problème, parfois à plus de 10 nœuds dans les surfs. C’étaient typiquement les conditions que tout planchiste guette et qui lui donne le sourire pour les 6 prochains mois. C’était une petite victoire pour moi parce que la veille j’étais à la rue. Et puis, là où c’est beau, c’est quand l’anneau de remorquage (qui est sur le nez de la planche) va dans l’eau. J’ai le pied droit dans un footstrap et le pied gauche sur la barre pour contrôler le cap ».
Alain Pichavant (qui a traversé l’Atlantique en planche à voile en tandem avec Stéphane Peyron) était aussi de passage au PC. « Raphaëla, moi je tire mon chapeau à Guy Saillard (architecte naval, concepteur de la planche de Raphaëla), le druide des planches qui avait aussi conçu notre planche de traversée. C’est lui, et de loin, qui a le plus d’expérience de ces engins océaniques, il a fait un super boulot ».
Samedi matin, à son réveil, Raphaëla constate que c’est plutôt calme. « C’est bizarre, avec cette annonce de tempête tropicale, j’étais sur mes gardes. Et, là je vois des nuages mais pas trop menaçants, le vent est tombé d’un cran, la mer est moins creuse , du coup je me demande si je ne vais pas gréer une voile plus grande. T’as pas des nouvelles de la météo des fois ? ». Euh, euh, euh, ben non je n’ai pas de nouvelles fraîches, c’est vrai que Jean-François ne m’a pas appelée cette nuit…
« Cette nuit c’était calme,
j’ai pu faire sécher des vêtements. Il fait plus chaud,
d’ailleurs j’ai dormi sans le duvet. Et hier soir il y a eu un
beau coucher de soleil avec des nuages rose orangé ».
Mais la journée s’est musclée progressivement :
« Le vent s’est bien levé encore. Et j’ai navigué
avec ma petite voile. Le vent dans l’après-midi est monté
à 25-30 nœuds ».
En fin de journée, elle a remonté le bout orange à bord
pour faire des prélèvements d’anatifes. « J’ai
récupéré deux flacons, je laisse un peu le bout sécher
sur le pont puis je le remettrai à l’eau pour une nouvelle collection ».
Laurence, qui travaille à l’Ifremer, est ravie.
Jean-Claude Belot, son kiné, a fait le déplacement de la Baule
pour lui donner quelques conseils pour son épaule gauche, sa cheville
droite, son genou droit et son coude droit (ce sont les effets de la navigation
bâbord amure).
Marie-Andrée et Vincent débarquent des Pyrénées
pile pour la vacation. Il y a une bonne dizaine de paires d’yeux rivés
sur le téléphone comme si Raphaëla allait sortir de la
machine…
La pompe à évier l’inquiète. « Tu
sais, Cyril, avant ça crachotait pas mal au moment de l’ouverture
du robinet et puis après ça se régule. Maintenant ça
coule à peu près régulièrement, tu crois que ça
va finir par se tarir ? ». Finalement la question c’est
« Le robinet de l’évier se
remet à fonctionner, c’est normal ? ».
Ce que je crois c’est que la haute mer exacerbe les perceptions.
« Ah oui ! Et puis il y a autre chose.
De temps en temp, quand une déferlante recouvre la planche, j’entends
des craquements sinistres ». Genre les vieilles armoires
qui se mettent à grincer la nuit dans la maison de la grand-mère
alors qu’on est au fond du lit à moitié inquiets.
Cyril la rassure : « Tu sais, c’est la coque qui travaille
un peu, mais comme elle a une forme un peu arrondie l’effort se répartit
bien. Quand j’étais sur ma mini Transat j’en entendais
aussi des craquements sur mon bateau. D’ailleurs, j’ai plus confiance
dans ta planche que dans les bateaux de la mini ».
Rédaction Hélène André