POINT DU JOUR n°58
Samedi 20 mai 2006 (Pénestin 18H30)
La rencontre océanique
Juste après notre vacation de jeudi dernier au PC à Paris, Raphaëla allume sa VHF et essaie d’entrer en contact avec le bateau Thaï parti de Fremantle et faisant route vers la Réunion. Cyril avait rencontré son skipper, Alain, dès son arrivée en Australie. Alain avait tout de suite été très intéressé par la traversée que préparait Raphaëla.
Au bout de quelques grésillements sur la VHF, la jonction se fait. Il fait déjà nuit depuis longtemps et il ont « tchatché une heure sur la VHF », m’a dit Raphaëla. « Il m’a raconté ses voyages, m’a proposé de prendre mes poubelles ». Un rencontre en mer dans ces conditions n’est pas anodine, ça fait plus de 40 jours que Raphaëla n’a de contact avec l’humanité qu’à travers les appels téléphoniques qu’elle fait quotidiennement. Le petit équilibre qu’elle a réussi à construire reste malgré tout fragile. « L’émotion était très forte, pour lui comme pour moi. Ca m’a rappelé plein de souvenirs ». Je sais qu’elle évoque nos retrouvailles lors de sa traversée du Pacifique, l’émotion est énorme et souvent la voix manque alors qu’on a tant de choses à se dire…
« Nous avons passé la nuit à proximité. Alain était parti pour qu’on parle toute la nuit, mais moi j’avais besoin de dormir. Alors à un moment je lui ai dit : je vais me coucher, il faut que je dorme ». Pas de problème, le bateau s’éloigne un peu et le lendemain matin (vendredi), il avait perdu la planche de vue. Raphaëla, elle, le voyait. Elle a repris sa VHF pour qu’il se rapproche et qu’elle puisse faire des photos. Ils ont navigué bord à bord un moment « et puis il a sorti son génois et il est parti. Je l’ai gardé dans mon cap pendant au moins trois heures en écarquillant les yeux ». Et puis il a fini par disparaître.
Cette rupture de la solitude n’est pas si simple à gérer, « c’est un coupure radicale » qui, d’une certaine façon, perturbe le rythme de vie de Raphaëla. Et pourtant elle l’avait voulu ce contact… Vous voyez que ce n’est pas si facile.
Vendredi après-midi la Marine Nationale nous rend visite à la maison de la Radio et un duplex est organisé avec la Marine à la Réunion. Malheureusement le son est très mauvais et on entend à peine le commandant Perrin saluer Raphaëla. Il est en compagnie du commandant Ouk qui skippera le patrouilleur « La Rieuse » pour aller à la rencontre de Raphaëla au large de l’île de Rodrigues : « On vous suit attentivement et on espère être pile poil au rendez-vous ». Raphaëla sourit : « C’est plutôt moi qui ne doit pas rater le rendez-vous et être en retard ».
Le commandant Soulanille qui est avec nous au PC intervient : « Beaucoup de marins admirent ce que vous faites. Vous savez il y a beaucoup de marins de la Marine Nationale qui sont des planchistes ».
Caroline Carlier (Marine Nationale) se demande si Raphaëla a d’autres projets océaniques à venir. « Non ! Ecoutez, en ce moment, je suis très concentrée sur le présent, sur cette traversée qui clôture un cycle ».
La navigation aujourd’hui samedi s’est bien passée exactement dans les prévisions de Jean-François Bonnin son routeur qui lui annonce une bonne réinstallation des alizés. Toute l’équipe rapprochée de Raphaëla s’est réunie au café « Le Bateau Livre » à Pénestin et chacun prend des nouvelles dans son domaine : les rations quotidiennes, l’état des articulations, le moral…
C’est Marie-Renée, l’institutrice de l’école St Gildas à Pénestin qui a le mot de la fin : « Raphaëla, on a l’impression que tu es en plein contrôle technique, d’ailleurs toute l’équipe est en blouse blanche ! ». Eclats de rire général dans la salle et sur la planche…
Rédaction Hélène André