POINT DU JOUR n°71
Lundi 5 Juin 2006 (La Possession 23h30)
La bagarre jusqu'au bout
Après avoir croisé un paquebot la nuit dernière et un au petit matin, Raphaëla se prépare à une nouvelle journée de navigation. « J’ai encore des grains, un vent d’un bon 25 nœuds, et a priori pas franchement d’accalmie pour les heures à venir ».
La planche s’est bien allégée depuis le début de la traversée, du coup le chavirage se fait beaucoup plus facilement. « En contrepartie, elle avance ». Vous voyez, il faut toujours voir le côté positif des choses…
Aujourd’hui, c’est réunions de travail au programme avec les représentants de la Mairie, de la Marine Nationale, du Club Nautique Portois, de la Base Nautique des Mascareignes, de la SNSM, des écoles, des associations, de la Capitainerie, de la Chambre de Commerce et d’Industrie de la Réunion. Bref, tous les acteurs de la vie sociale et économique de la Réunion. La pression monte doucement, chacun fait des propositions et les choses se mettent en place.
Et on apprend la nouvelle qui tue : un avis de forte houle est annoncé pour toute la semaine à venir…
Ce qui signifie que Raphaëla a de grandes chances de faire une entrée dans le port avec 3 m de creux encore à 50 m du ponton où il est prévu que soit amarrée la planche.
Jusqu’au bout, je crois, l’océan Indien fera savoir qu’il est bien présent !
D’ailleurs, cet après-midi, en plein milieu d’une réunion avec la Marine Nationale, mon portable sonne… C’est Raphaëla. Là, tout de suite la température monte, j’attrape le cahier qui ne me quitte plus depuis 2 mois, mon sac se renverse au passage, je ramasse le crayon qui s’en déverse et je sors de la salle de réunion. « Je ne navigue plus depuis midi, c’est trop fort, je suis fatiguée, je me suis bagarrée jusqu’à midi et j’ai stoppé au moment du déjeuner ».
La voix tremble, et cette fois-ci ce n’est pas un coup de l’iridium qui rend les voix chevrotantes et un peu métalliques, c’est autre chose…
Dans ces moments-là, il faut écouter attentivement chaque mot, faire fonctionner son cerveau à toute vitesse pour trouver la parole qui réconforte. Il n’y a qu’un seul objectif : rendre le sourire et l’entendre, parce que ça s’entend parfaitement le sourire au téléphone, même sur un iridium.
Les nouilles chinoises de midi vont m’aider à trouver l’énergie, est-ce que j’en ai assez mangé ?
Ce soir, on inaugure la vacation en duplex avec le PC à Paris. J’ai tiré Anne Combier par la manche des locaux d’Ifremer où nous sommes installés pour les connexions internet, de peur de rater le début de la vacation.
La voix est meilleure, plus assurée, rassérénée. « Aujourd’hui lundi c’était un mauvais jour, comme les lundis d’ailleurs ». Raphaëla fait de l’humour, le moral remonte, la tension descend…
« C’est vrai que j’ai passé une partie de la journée dans la planche, mais ce soir je crois que j’ai vu les lumières de l’île Maurice, je suis à peu près à une trentaine de milles. Jean-François (son routeur) me dit que ce n’est pas possible mais moi je crois que c’est ça ».
Il n’est pas impossible non plus que Raphaëla voit la Réunion demain soir, peut-être. En tout cas ce serait un beau cadeau. « Je me souviendrai jusqu’à la fin de ma vie de Tahiti que j’ai vue à la fin de ma traversée du Pacifique, alors j’attends ce moment pour la Réunion avec beaucoup d’émotion ».
Demain peut-être… Je vous tiens au courant.
Rédaction Hélène André